Suite à la publication des conclusions du rapport Hargreaves , le gouvernement britannique a depuis précisé sa position. Tout d’abord, la copie de CD et de DVD au format numérique, pour utilisation privée, va être autorisée sans s’accompagner de compensation pour les producteurs de contenus. Dans de nombreux pays, en France, Espagne et Allemagne notamment, les supports permettant la copie privée font l’objet d’une taxe, une part du prix étant reversée aux sociétés de gestion collective. Le syndicat des musiciens anglais s’en est inquiété, mais à cela le rapport Hargreaves répondait déjà que cette mesure n’était que la reconnaissance officielle d’une pratique courante qui n’affecterait donc en rien l’industrie musicale ou audiovisuelle. Une bourse des « droits numériques », c’est-à-dire un guichet unique pour faciliter leur vente par les détenteurs de droits, va par ailleurs être mise en place. Une étude de faisabilité du projet est lancée, les conclusions étant attendues pour la fin de l’année. Enfin, des exceptions au copyright vont être introduites pour faciliter les parodies ou les exploitations créatives de contenus existants, ainsi que l’utilisation de base de données pour la recherche scientifique. Entre autres acteurs, la British Library a accueilli avec satisfaction les réponses du gouvernement, en rappelant que les propositions du rapport Hargreaves sont importantes pour la recherche et l’innovation. Le gouvernement estime que ces différentes initiatives pourraient générer 4 à 8 milliards de livres par an.
D’autre part, la stratégie du Digital Economy Act (DEA) a été précisée. Le gouvernement abandonne finalement le blocage des sites permettant d’accéder à des contenus piratés, comme prévu initialement par la loi. Cette décision a été prise suite aux recommandations d’un rapport remis au gouvernent par l’Ofcom (Office of communications, Independent regulator and competition authority for the UK communications industries) - considérant que le blocage de sites (URL ou équivalent) n’est pas forcément efficace, le filtrage étant plus pertinent quand il s’applique aux œuvres protégées. L’avis de l’Ofcom vient ici s’opposer à de premières mesures de blocage des sites directement à partir de leur URL. En effet, lors d’un récent procès, il a été demandé à l’opérateur BT de bloquer l’accès à Newzbin2, un site de partage. A l’époque, ce jugement avait été présenté comme une victoire pour la Motion Picture assocation, regroupant les grands studios de cinéma. « Le jugement de Newzbin montre que les détenteurs de contenus ont une arme » explique le ministre de la Culture, Ed Vaizey. Finalement, ce sera la riposte graduée qui sera mise en place progressivement. Celle-ci prévoit dans un premier temps des envois de courriers, une mesure qui sera effective en 2013. Puis, si cela n’est pas suffisant, des suspensions d’accès à internet seront effectuées. La décision pourra toutefois être contestée moyennant une avance de 20 livres, qui sera remboursée si le plaignant obtient gain de cause.
Le principe de la riposte graduée n’est pas seulement apprécié en Europe, les Etats Unis et la Nouvelle Zélande suivant le pas de la France et le Royaume Uni. En effet, en Nouvelle Zélande, le principe est entré en vigueur le 1er septembre 2011. Il repose sur trois étapes comme en France : les deux premières sont d’ordre informatif et la dernière est une sanction – une amende ou la suspension de l’accès à Internet pendant 6 mois. La collecte des adresses IP d’internautes par les ayant droits a déjà commencé cet été. Aux Etats Unis, c’est en juillet dernier que les industries musicales et cinématographiques ont signé un accord avec les fournisseurs d’accès à internet (notamment AT&T, Verizon, Comcast, Cablevision, et Time Warner Cable) – une mesure qui ne passe pas par une autorité judiciare - pour avertir par email les internautes partageant illégalement des contenus via le P2P. C’est une version plus « allégée » que dans les autres pays, comportant 5 ou 6 avertissement (et non 3 comme en France) à caractère éducatif. Aucune coupure d’Internet n’est imposée si l’internaute ne renonce pas à ses pratiques illégales, mais seulement un bridage du débit rendant sans intérêt le recours au P2P.
Enfin, dans cette période active de réflexion sur les moyens de renforcer le respect du copyright à l’ère numérique, la société anglaise PRS for Music (Performing Right Society) propose l’instauration de “feux de signalement” pour indiquer sur les moteurs de recherche, par un voyant vert ou un rouge, si un site facilite le piratage : lors du survol, un message apparaitrait « this site links to unlicensed media ». Cette mesure est pensée dans une démarche de pédagogie et de responsabilisation des internautes. Il ne s’agit donc pas de bloquer l’accès au site, mais de prévenir l’internaute que le site sur lequel il se dirige propose des contenus pirates, le système ayant également pour avantage de mettre en évidence les offres légales. Comment seraient étiquetés ces sites ? Sur quels principes seraient-ils classés ? PRS for music suggère la création d’une autorité administrative, insistant sur sa nécessaire indépendance afin que le principe puisse être accepté par tous. Une requête serait envoyée au site dans le cas où des contenus illégaux seraient remarqués : si le site l’ignore, un signal d’avertissement rouge serait automatiquement ajouté près de son lien apparaissant dans les résultats des moteurs de recherche.
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