Le livre d’or, né comme support d’expression libre du visiteur, vit actuellement une révolution technique et d’usage qui le transforme en dispositif à la croisée entre médiation, connaissance et gestion des données, et interroge ses évolutions possibles.
Cahier de doléances, fiches de commentaires : les origines du livre d’or sont associées à un rôle pratique de remontée d’information du visiteur vers l’institution culturelle. Le cahier blanc, installé dans l’espace d’exposition, permet au visiteur de laisser une trace de son passage, une critique, un avis, une requête. Il assemble des points de vue dans un support normé. Le lieu culturel reste ensuite maître de son usage : l’analyse de cette matière est rare, et certainement pas automatique.
Le numérique est venu perturber cette matière dormante, à la fois à travers les usages et les outils. Le numérique, univers régi par le mouvement, le collaboratif, l’universel, imprime sa cadence à l’échange entre public et institutions. Aujourd’hui, l’opinion de tous est valorisée, et relayée sur des sites internet collectant les avis du grand public et leur donnant ainsi un pouvoir d’influence décuplé. Toutes les appréciations se valent et sont visibles de tous. Nous sommes tous consultés sur ce que nous pensons d’un hôtel, d’une gare, d’un magasin…Le secteur culturel n’échappe pas à cette évolution. Un nouvel outil a vu le jour : le livre d’or numérique, qui permet certes de laisser textes et émoticons après son passage, mais invite parfois à commenter une image, laisser une adresse mail, ou s’abonner à une newsletter. Cette interface intelligente initie une inversion des rapports et semble réussir la création d’un pont entre le public et l’institution culturelle. Le lieu culturel, qui était la référence, entre dans l’ère de la relativité des points de vue.
Au-delà de ce rétablissement d’un échange jusqu’ici limité, les perspectives associées à cet outil ouvrent deux champs de réflexion, sur la médiation et sur la gestion des données.
Le cas de l’exposition « Quatre vies en résistance », actuellement présentée au Panthéon pour expliciter la notion de résistance et les parcours des quatre personnalités honorées en juin dernier, ouvre des pistes sur la transformation du visiteur en contributeur à la médiation. Le livre d’or installé en fin de parcours permet de commenter librement, mais aussi de choisir une image comme emblématique de la notion de résistance. Plus de 3 000 contributions ont été collectées depuis le début de l’exposition, et cette interaction avec l’image est une des plus utilisées par les visiteurs. Dès lors, le livre d’or, plus qu’un support d’expression, est un créateur de contenus. Les applications en matière de médiation et de programmation d’exposition sont larges : on peut par exemple imaginer des expositions construites en fonction des opinions par les visiteurs d’une exposition précédente, ou des expositions « crowdsourcées ».
La seconde évolution possible est celle d’une gestion de la relation visiteur optimisée : à travers les données des visiteurs, et l’enrichissement des bases de connaissance, le livre d’or numérique serait une arme efficace de création d’une GRV, gestion de la relation visiteur. Décoder l’expression libre, le prochain gisement de data pour le secteur culturel ?
Le livre d’or est aujourd’hui un outil à un tournant de son usage. Objet encombrant, devenu utile voire nécessaire dans un monde ou l’opinion fait loi, le livre d’or peut devenir demain un levier de valorisation, d’optimisation économique, source de création artistique. Les pistes sont multiples et pour l’instant balbutiantes, mais toutes sont enthousiasmantes dans leur promesse de renouer des liens entre le lieu culturel et ses publics, existants, virtuels ou en devenir.
Ancienne consultante en transformation, spécialisée sur le numérique et la culture, Laure dirige depuis deux ans la mission stratégie, prospective et numérique du Centre des monuments nationaux. Cet opérateur public préserve, ouvre au public et valorise une centaine de monuments en France, dont l’Arc de Triomphe, la villa Cavrois, le château d’Oiron ou encore l’abbaye de Montmajour…à découvrir sur www.monuments-nationaux.fr
Sur Twitter : @LaurePresac
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